Murmuration
Le 13e Art présente Murmuration, Danse, 1 h 15, du mardi 11 avril au samedi 8 juillet 2023.
À quoi bon parler de « Murmuration", pourrait-on dire, puisque cette danse emplit déjà nos annonces et nos cérémonies comme un chef d’œuvre entendu. Mais il le faut, il faut pourtant en parler, infiniment, car Sadeck Berrabah ne fait là que commencer à nous écrire dans sa langue dansée, un langage des corps que l’on ignorait. Cette découverte simple et magique de "l’homme géométrique", qui a su se servir de la foule des corps en rang pour en faire surgir des beautés insoupçonnées, ses multitudes de bras en rang qui tracent dans la lumière leur mouvement serré comme un grand corps animé. Des milliers de corps en rang sont de toujours associés au pas sinistre des armées, démontrant ce qu’un grand corps martial peut faire et comment il vous menace quand ils sont armés en un tout que la main d’un seul met en marche. Mais les oiseaux n’ont nul meneur, ils se règlent les uns sur les autres pour former un ensemble. S’emparant de la puissance de cet Un, en une éclosion de surprise, Sadeck Berrabah l’emprunte là. Il évoque le vol des oiseaux qu’on appelle « murmuration", de ce mot anglais si beau qu’il fait entendre le froissement des milliers d’ailes qui soudain se forment en corps unique lorsqu’ils volent dans le ciel. Ils y écrivent leur Un fait de milliers d’unités volantes, dansantes, escadrons bienveillants, patrouilles attentives, ballet que l’on ne soupçonnait pas possible là où les corps ne parlent pas. Nos yeux stupéfaits les regardent nous apprendre que nous ne savons rien de ce qui meut ces animaux volants dans cette forme savante, dans ce dessin parfait, en une armée charmante, ils nous bouleversent. Le ballet dit Murmuration apprend d’eux, véritablement, il nous montre ce que l’on atteint parfois quand bien même on ne parle pas, ce que l’on construit dans un ciel où nul dieu n’habite, ce que l’on fait de l’unité qui emporte des milliers, cette œuvre éphémère qui semble volée aux dieux. Il déroule plus d’une heure durant, au 13e art, à Paris, cette magie de l’écrit de ces innombrables bras en équerre, qui s’achèvent dans l’ondulation des mains comme des ailes, en accent circonflexe, en virgules, en pointillés, puis ces guirlandes qui virevoltent, ces tourbillons que dessinent simplement, absolument, ces corps vêtus de noir qui forment de simples lettres leurs bras assemblés un à un dans la lumière. Un pour tous, tous pour un, vraiment, absolument, l’on ne voit plus que cela. Bravo à eux, ces danseurs de lumière, bravo au musicien qui les fait résonner, et à lui, Sadeck, qui met au monde ce langage inouï.